Après de nombreux reports, le gouvernement a présenté le 29 mars son projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations agricoles en Conseil des Ministres.
Le COLLECTIF NOURRIR regrette l’absence de cap sur le renouvellement des générations, le manque d’ambition et de cohérence avec les enjeux de transition écologique, et une vision trompeuse et lacunaire de la souveraineté alimentaire. Le Collectif Nourrir invite les parlementaires à se saisir de ses propositions pour que cette loi réponde réellement aux objectifs de renouvellement de générations agricoles en capacité de faire face aux enjeux du changement climatique et des équilibres mondiaux.

Un article initialement publié par le Collectif Nourrir (dont fait partie le Miramap) le 3 avril 2024

La France doit respecter la définition de souveraineté alimentaire reconnue par le droit international 

Le texte propose d’ériger la souveraineté alimentaire comme une priorité stratégique des politiques publiques. Or il s’appuie sur une vision de la souveraineté alimentaire qui va à l’encontre de la définition reconnue au niveau international (UNDROP 2018), laquelle s’applique pourtant à tous les Etats membres de l’ONU. Pour se mettre en conformité et répondre aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux sous-jacents à ce concept, les dimensions suivantes doivent être intégrées : droits des paysans et droit à l’alimentation, démocratie alimentaire — à savoir l’inclusion des citoyens et de la société civile dans la construction des politiques agricoles et alimentaires, fin des pratiques commerciales françaises et européennes de dumping alimentaire fragilisant les paysans ailleurs dans le monde, rééquilibrage des échanges commerciaux au profit d’un commerce plus juste et d’une reterritorialisation des systèmes alimentaires, réduction drastique de la dépendance aux importations d’intrants. 

Le dispositif pour l’installation doit être neutre et pluriel, c’est une question de démocratie

L’objectif initial du texte de loi était d’assurer le renouvellement des générations agricoles face à la disparition massive d’agriculteurs en France. Pourtant, aucun cap n’est fixé quant au nombre d’installations agricoles visées chaque année, ce qui devrait être la pierre angulaire de la stratégie de renouvellement des générations, et aucun article ne traite de l’accès au foncier, point de passage obligatoire pour toute installation en agriculture. Par ailleurs, la réforme du parcours à l’installation agricole et à la transmission des fermes, dans sa préfiguration, ne pose pas les bases nécessaires pour répondre aux besoins de tous les porteurs de projets et n’oriente pas clairement vers l’agroécologie et l’agriculture biologique. Le futur dispositif “France services agriculture” (FSA) manque de mécanismes concrets pour cadrer les missions des Chambres d’agriculture et ne respecte pas le principe de neutralité, en omettant de prendre en compte la diversité des acteurs de l’installation agricole. 

Il est urgent d’assumer une orientation de l’agriculture vers l’agroécologie paysanne et l’agriculture biologique

62% des agriculteurs estiment que la transition écologique est une nécessité et 23% une opportunité*. Mais loin de faire de ce projet de loi un levier de la transition, le texte présenté ce jour se caractérise à l’inverse par des reculs environnementaux importants – notamment en facilitant l’arrachage de haies, le développement d’élevages industriels et les méga-bassines. En faisant l’amalgame entre simplifications administratives — nécessaires — et dérégulations environnementales, le gouvernement prend le risque de retarder une nouvelle fois les évolutions indispensables pour assurer la survie de l’agriculture et de notre souveraineté alimentaire à long terme. L’ajout dans l’article 1 de la notion “d’intérêt général majeur” pour l’agriculture, dont l’impact doit encore être soumis à débat juridique, tend à confirmer une volonté d’opposer développement agricole et environnement. Alors que les impacts des dérèglements climatiques sont au premier rang des préoccupations des agriculteurs, il est pourtant essentiel, pour prévenir les futures crises, de renforcer l’incitation et l’accompagnement humain, technique et financier vers l’agroécologie paysanne et l’agriculture biologique. 

Les mobilisations agricoles ne doivent pas être instrumentalisées au profit de reculs sur le plan sociétal et environnemental. Elles sont au contraire le signe de l’impérieuse nécessité d’une modification en profondeur de notre système agricole et alimentaire. Nos organisations appellent à ce que le débat parlementaire permette un renforcement de l’ambition et de la cohérence du texte, et annulent les reculs. Nous avons des propositions concrètes et nous comptons sur les parlementaires pour faire du renouvellement des générations, de la transition agroécologique et du renforcement de la souveraineté alimentaire non pas un slogan mais une réalité.” estime Clotilde Bato, co-présidente du Collectif Nourrir.

*Enquête réalisée auprès de 607 agriculteurs par BVA Xsight en partenariat avec le Collectif Nourrir et Terra Nova

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